Près des trois quarts des Ghanéens empruntent quotidiennement les « tro-tros ». Omniprésentes sur les principaux axes du pays, ces camionnettes s’appuient sur un modèle économique rentable et populaire. Immersion dans un tro-tro lors d’un trajet Accra-Tema.
« Tema, Tema, Tema ! » s’égosille Kojo, le torse penché par la fenêtre. Ce jeune homme à l’apparence chétive est ce qu’on appelle un « mate » (« coéquipier » en anglais). Son rôle est simple : rabattre les personnes vers son véhicule, en leur indiquant la direction vers laquelle file la camionnette. Kojo se charge également de collecter l’argent des passagers.

Kojo tente de rabattre les passants vers son tro-tro – © Raphaël Cann
Pour ce trajet entre Accra et Tema (30 km de distance), il récupère entre un et quatre cédis (16 à 66 centimes d’euros) par passager. « Cela dépend de la distance parcourue. Certains ne restent que quelques minutes, d’autres ne sortent du véhicule qu’à Tema », explique Kojo en faisant glisser une imposante liasse de billets entre ses doigts.
Ça s’en va et ça revient
À l’avant de la camionnette, John enchaîne les heures au volant sans sourciller. Ce Ghanéen aux joues émaciées s’est lancé dans le métier il y a une vingtaine d’années. La facilité avec laquelle il manie sa camionnette dans les passages étroits témoigne de son expérience.
À bientôt 60 ans, le chauffeur a l’habitude de travailler intensément, même s’il admet avoir légèrement levé le pied ces dernières années. « Avant je pouvais faire jusqu’à cinq allers-retours par jour. Maintenant, j’en fais quatre. Je commence à 7 heures le matin et je m’arrête à 19h30 », confie le pilote.
Durant le trajet, la camionnette ne désemplit pas. Lorsque des passagers descendent du tro-tro, d’autres montent dans la foulée. Le véhicule ne s’arrête que quelques secondes, le temps d’embarquer tout le monde. Puis il repart immédiatement, laissant à peine le temps à Kojo de s’accrocher à la portière encore ouverte. Le petit fourgon peut accueillir jusqu’à 24 personnes, entassées sur des sièges réaménagés pour optimiser l’espace. Au total, une centaine de passagers participent à l’aller-retour ce jour-là.

John au volant de son tro-tro.
« J’utilise le tro-tro tous les jours, où que j’aille. C’est la manière la plus simple et la moins chère de se déplacer sur les grands axes. Et toutes les classes sociales s’y côtoient », affirme Kwame, un paroissien qui voyage énormément pour prêcher. À l’arrière du véhicule, un étudiant en chemise se montre moins enthousiaste. Il y a quelques semaines, il s’est fait racketter par un équipage peu scrupuleux : « On m’a demandé 80 cedis (13 euros). Une fois dans le bus, je n’avais pas le choix, je devais payer. »
Jusqu’à 5.000 euros par mois
John n’est pas loquace sur son chiffre d’affaires du jour. Un simple calcul permet tout de même de se faire une vague idée du contenu de la cagnotte. Au rythme de quatre allers-retours quotidiens, la fourchette oscille entre 400 (66 euros) et 1.600 cedis (266 euros) par jour. Autrement dit, 8.000 (1330 euros) à 32.000 cedis (5330 euros) par mois.
« Les revenus sont bons, mais cela nécessite aussi beaucoup d’investissements », confie John. Le chauffeur doit notamment régler les frais d’essence, le paiement du « mate », l’achat et l’entretien du véhicule, qui ne se rentabilise que sur le long terme.
Si le tro-tro propose des prix imbattables, la sécurité des passagers est souvent sacrifiée sur l’autel du gain. Entre absence de ceintures, conduite dangereuse et manque de maintenance, les facteurs de risques sont nombreux. Quatre accidents de la route sur dix impliquaient des véhicules de transport en 2018. Alors, régulièrement, la question de la sûreté des tro-tros revient dans le débat public.
Valentin Deleforterie
Photo de une : © Ariane Pollaert
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