L’indice de corruption du Ghana est inférieur à celui de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, d’après Transparency International. Toutefois, des pans entiers de la vie publique restent fortement corrompus. Un obstacle difficile à surmonter.
Pas moins de 9,6 milliards de cédis, soit 1,6 milliard d’euros. Au Ghana, c’est le montant des fonds publics perdus à cause de la corruption sur ces trois dernières années. Ce chiffre, publié en juin dernier par le Centre for Democratic Development (CDD), ne reflète qu’une faible part du phénomène. Dans son calcul, l’ONG a pris en compte uniquement les affaires de corruption révélées au grand jour.

William Nyarko, le directeur de l’ACILA – © Valentin Deleforterie
« La corruption a des conséquences directes sur la croissance ghanéenne. Entreprendre dans un environnement corrompu coûte plus cher. Ce prix se répercute ensuite sur les consommateurs, les gens ordinaires », explique William Nyarko. Cet ancien journaliste d’investigation, âgé d’une cinquantaine d’années, dirige le Africa Centre for International Law and Accountability (Acila), une ONG indépendante spécialisée dans les questions liées au développement de l’Afrique de l’Ouest.
« 90% des Ghanéens estiment que la corruption est importante dans le pays »
Chaque année, Transparency International établit un indice de corruption par pays. Plus ce score est élevé, moins la pratique est répandue. Au Ghana, le « score de corruption » atteignait 41/100 en 2018, avec une augmentation d’un point en un an. Des statistiques que William Nyarko, dubitatif, tient à nuancer : « Il faut aussi prendre en compte le sentiment de la population. Plus de 90% des Ghanéens estiment que la corruption est importante dans le pays. »
Il y a 20 ans, Transparency International a ouvert à Accra une antenne locale, la Ghana Integrity Initiative (GII). Depuis sa création, l’équipe se confronte sans cesse à des affaires de corruption, comme en attestent les innombrables dossiers entassés sur le bureau de sa directrice Linda Ofori-Kwafo.
« Chaque jour, des victimes viennent nous parler de fonctionnaires corrompus dans les écoles, les hôpitaux… un peu partout à vrai dire. Nous aidons les victimes en leur fournissant les services de nos avocats », affirme Madame Ofori-Kwafo, l’œil sévère. Récemment, son organisation a par exemple aidé une agricultrice mère de huit enfants, qui a dû les sortir de l’école en raison de frais d’admission abusifs.

Le siège de la GII, dans le centre d’Accra – © Valentin Deleforterie
Une plateforme WhatsApp pour les victimes
Pour tenter de lutter contre la corruption, la GII mène des campagnes sur le terrain. Elle cible particulièrement les territoires ruraux reculés, où sont mis en place des espaces de discussion. L’association explique aux habitants les différents types de corruption et indique les réflexes à adopter.
En parallèle, l’ONG a récemment décidé de miser davantage sur les réseaux sociaux. Une plateforme nommée « I Paid A Bribe » (littéralement, « J’ai payé un pot-de-vin ») a été lancée il y a deux ans sur WhatsApp. Cette méthode permet à chacun de dénoncer discrètement des faits de corruption. Les victimes ont la possibilité d’ajouter des photos et des vidéos pour étayer leurs accusations.
Jusqu’à présent, un peu moins de 400 personnes ont utilisé cette plateforme. Un « semi-échec », de l’aveu même de Linda Ofori-Kwafo. La directrice de la GII se refuse toutefois au pessimisme. Elle insiste : « Il est primordial de réduire au maximum la corruption, car les ressources perdues pourraient être utilisées pour construire des routes et des écoles, comme pour fournir aux habitants des biens de première nécessité. »
En 2018, l’Union africaine s’était fixé comme objectif de « gagner la lutte contre la corruption ». Pour le Ghana, le combat semble encore loin d’être gagné.
Valentin Deleforterie et Maud Le Rest
Photo de une : © Valentin Deleforterie
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