Airbnb explose au Ghana, le tourisme aussi

Au Ghana, la demande de location sur Airbnb a bondi de 141% en 2018. Le pays est devenu le deuxième marché le plus dynamique du monde derrière le Nigeria. La plateforme de logement communautaire illustre la croissance du secteur touristique.


Les villas en construction et les propriétés privées luxueuses pullulent le long de la route de Kwabenya, une petite ville de la région d’Accra. Les chemins sont bossus, déformés par les allers-retours incessants des engins des travaux. Sur les collines qui vallonnent cette banlieue fantomatique de la capitale, des investisseurs bâtissent sans relâche d’étonnantes maisons d’architectes. Sous leurs balcons, s’étend une forêt de riches cottages aux toits colorés.

Philip Sekya, 29 ans, est développeur informatique et hôte Airbnb – © Roméo Van Mastrigt

Philip Sakyi est l’heureux détenteur de l’une de ces propriétés. Le jeune Ghanéen de 29 ans l’a fait construire début janvier 2019 pour l’inscrire sur Airbnb, une plateforme de location de logements entre particuliers. « J’ai commencé à la louer il y a trois mois », explique-t-il, devant sa télévision branchée sur les chaînes du câble américain. « En juin, quasiment tout était réservé. Ce mois de juillet, c’est mieux encore. Certaines personnes ont réservé déjà pour septembre, novembre et même janvier prochains. »

Certes, Airbnb reste timidement installé en Afrique, mais certains pays du continent ont fait une entrée fracassante dans le top des destinations les plus prisées de la planète. En 2018, le Ghana est devenu le deuxième marché à la croissance le plus rapide dans le monde (+141%), juste derrière le Nigeria (+213%). À Accra, cœur économique du Ghana, le taux de location de la plateforme américaine a explosé. Selon le site AirDNA qui comptabilise l’offre de logements Airbnb, le nombre de locations est passé d’une dizaine à plus de 1.200 en l’espace de trois ans seulement. Un phénomène confirmé par la direction d’Airbnb aux Echos du Ghana. Au 1er avril 2019, plus de 3.400 locations actives ont été répertoriées dans le pays, dont plus de la moitié sont des chambres chez l’habitant.

Américains, Anglais et Nigérians

Dans sa villa perdue des collines de Kwabenya, Philip Sakyi se réjouit de cette demande galopante : « Les clients m’appellent, m’envoient des textos ou me demandent des renseignements via l’application. Les touristes sont de plus en plus nombreux à me solliciter. » Ses hôtes peuvent profiter de quatre chambres à 40 dollars la nuit (35 euros) et d’une King Room au tarif de 50 dollars (plus de 40 euros). Le confort maximal est assuré. Le charme en plus. A chaque étage de la Hillview Residence, une terrasse offre une vue imprenable sur la vallée et un jardin quasi vert fluorescent. 

Polo déboutonné et sandales aux pieds, Philip fait défiler la liste de ses clients sur son téléphone. La plupart vient des États-Unis et du Nigeria. Au siège de la start-up, les chiffres concordent : les Américains s’avèrent les premiers utilisateurs de la plateforme au Ghana, suivis par les Anglais. Les Nigérians arrivent en troisième position et les Allemands ferment la marche.

Alignement des étoiles

Cette insolente vitalité de l’entreprise américaine traduit l’essor du tourisme ghanéen. Pour preuve, l’année dernière, le groupe Mariott a ouvert l’un de ses luxueux complexes hôteliers à 1,5 km de l’aéroport international de Kotoka. « C’est une indication de la santé économique de notre pays. Les hôtels dotés d’une telle réputation ne s’installent pas au Ghana par hasard », se félicite Edward Ackah-Nyamike Jnr, le président de l’association des hôtels ghanéens. Parmi 3.000 établissements, trois ont décroché cinq étoiles et une vingtaine d’autres affichent quatre étoiles.

Edward Ackah-Nyamike Jnr , président de l’association des hôtels ghanéens – © Roméo Van Mastrigt

Le chef d’entreprise ne se montre pas inquiet de l’essor d’Airbnb. « C’est le résultat de notre développement technologique. On ne peut pas l’arrêter, alors il faut faire avec. » Certains hôtels ghanéens se sont prêtés au jeu et louent leurs propres chambres sur le site de la plateforme. « Je ne vois pas ça comme une compétition, car les hôtels n’offrent pas tous les services prévus par Airbnb », précise celui qui tient une adresse à North Kaneshi, une banlieue huppée d’Accra.

Installé au bord de la piscine de l’imposant MJ Grand Hotel, le chef des hôtels ghanéens voit dans l’explosion d’Airbnb la concordance des atouts du Ghana. « Nous avons la paix et la sécurité, plus que quiconque en Afrique de l’Ouest. Depuis 1992, notre démocratie est exemplaire. C’est une force pour le secteur du tourisme », explique-t-il en faisant de grands gestes. De même, le régime d’attribution des visas étrangers reste souple et bon marché. En cette « année du retour », le « tourisme généalogique » ghanéen n’a jamais aussi bien marché dans ce pays historique de l’esclavagisme africain. Edward Ackah-Nyamike Jnr souligne aussi la présence « de salles de choix pour les réunions et les conférences à grande échelle », avant de conclure : « Accra est en train de devenir une ville qui compte. »

Adossé aux barrières de métal du balcon de son Airbnb, Philip Sekya énumère de son côté les profils des hôtes qu’il voit défiler dans sa maison. Des touristes et beaucoup d’entrepreneurs. Il raconte l’histoire de ce médecin venu de Gambie pour travailler dans les hôpitaux de la région. Puis celle de ce « businessman » originaire de l’île de Sao Tomé, au large de la Gambie, parti faire des affaires à Accra. Au sujet du Ghana, le regard malicieux, il glisse en esquissant un sourire : « Pour le tourisme et le business, on n’a pas trouvé meilleur endroit. »

Roméo Van Mastrigt

Photo de une : © Roméo Van Mastrigt 

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