Benjamin Augé (Ifri) : « Le Ghana n’a pas su tirer profit de ses revenus pétroliers »

Chaque jour, 145.000 barils de pétrole sont extraits au Ghana. Le pays profite de cette activité depuis la découverte de gisements au large de ses côtes, en 2007. Mais l’argent tiré de l’or noir aurait pu être mieux utilisé selon Benjamin Augé, chercheur à l’Ifri (Institut français des relations internationales).


Benjamin Augé est chercheur associé au Centre Afrique Subsaharienne et au Centre Energie de l’Ifri (Institut français des relations internationales)

Echos du Ghana : Il y a 12 ans, le Ghana est entré dans le club fermé des pays producteurs de pétrole. Comment a-t-il négocié ce virage?

Benjamin Augé : Les premiers gisements offshore ont été exploités dès 2010, seulement trois ans après leur découverte. C’est très rapide ! La plupart des pays ont besoin d’attendre une dizaine d’années avant d’atteindre les réservoirs enfouis sous le sol.

Le Ghana s’attendait à tirer profit rapidement de ce pétrole. Le gouvernement a décidé de placer son extraction entre les mains d’une compagnie nationale, la Ghana national petroleum corporation (GNPC), et de compagnies privées, souvent étrangères. Parmi les plus grandes, figurent aujourd’hui celle du géant américain Exxon, la Britannique Tullow Oil, la Russe Lukoil et la Norvégienne Aker Energy. Mais quelle que soit la nature de l’entreprise, l’État reste gagnant : il taxe le pétrole et négocie des contrats de partage de production, dont il tire des revenus. L’Etat en vend aussi une partie directement via la compagnie nationale (GNPC).

Le pétrole constitue donc une manne financière pour le pays ?

Oui, car le Ghana peut compter sur des volumes de production importants. Le principal gisement actuellement exploité, celui de Jubilee, représente des réserves d’1,2 milliard de barils. En janvier, le pays a aussi mis la main sur un demi-milliard de barils, dont l’extraction devrait commencer en 2020. Au total, les réserves du pays sont estimées entre 5 et 7 milliards de barils.

Le problème est celui-ci : les revenus qu’en tire le pays varient en fonction du cours du baril. Le Ghana a été frappé de plein fouet par la crise pétrolière de 2014-2017.

Quelle a été l’erreur de l’Etat ghanéen?

Au début de l’exploitation des gisements, en 2010, le prix du baril était en hausse. Avant même que l’argent n’entre dans les caisses, le gouvernement a largement anticipé les recettes qu’il tirerait de la vente de son pétrole dans les années suivantes. Il en a profité pour recruter des fonctionnaires, a augmenté leur salaire et contracté des emprunts à des taux très élevés. 

Mais à partir de 2014, le prix du baril a chuté [de 111 dollars à 64 dollars entre juin et décembre 2014, soit une baisse de 44%]. Même si le Ghana avait créé un fonds pour rééquilibrer son budget en cas de coup dur, il n’avait pas prévu une telle baisse. Résultat, le pays s’est retrouvé lourdement endetté.

Propos recueillis par Thibault Franceschet

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