L’association Dunk éduque les jeunes de 8 à 19 ans de Jamestown, un quartier pauvre d’Accra, grâce au basket. Elle propose des séances de sport, suivies de soutien scolaire.
Dans une course effrénée, une trentaine d’enfants se relaient, dribblent et slaloment le long d’une série de plots colorés. Sur le terrain de basket du centre communautaire de Jamestown, la victoire ira à l’équipe la plus rapide. Dernière ligne droite, l’un d’eux jette la balle à ses camarades. Ils explosent de joie. Eric Adoku, surnommé « Coach Eric », les reprend immédiatement : « Non! Tu as enfreint les règles et tu aurais pu leur faire mal. »
Ce grand gaillard aux gestes doux se montre ferme sur la politesse et le fair-play. « C’est l’objectif. Le basket n’est qu’un outil pour éduquer les enfants », précise-t-il. Ces séances sont organisées par l’association Dunk, fondée à Nima en 2010 puis implantée à Jamestown six ans plus tard. Deux quartiers pauvres d’Accra, formés en majorité de bidonvilles.

L’association fournit dossards et chaussures – © Raphaël Cann
Garçons et filles enfilent des dossards orange et jaune fluo dans un local du bâtiment principal qui jouxte le terrain. Des chaussures leurs sont aussi fournis. L’air chargé de poussière, le match commence sous l’œil de leurs aînés. Entourés de serpillières et de seaux, ces adolescents ont terminé de nettoyer la salle de classe de l’association.
Deux heures de révision obligatoires
Son co-fondateur, Mohamed Tahir, prépare une séance sur les dangers des réseaux sociaux. Barbe taillée, ce robuste trentenaire chapeaute l’organisation avec une idée en tête : « Nous avons conçu notre programme pour qu’il soit difficile de venir simplement pour jouer au basket. Avant d’entrer sur le terrain, il faut passer deux heures à réviser. »
Les cours suivent à la lettre des manuels scolaires fournis par des écoles de la ville. Par le passé, des professeurs ont été recrutés. « Ils sont venus avec leurs méthodes : les coups de bâtons et la fermeté. Nous ne les avons pas gardés longtemps », admet-il. De 120 enfants au départ, l’association en accompagne désormais 600. « Mais beaucoup vont et viennent », ajoute Mohamed. Grâce à son budget annuel de 35.000 dollars, obtenu grâce à des donations de fondations ou de l’ambassade française, les frais de scolarité d’une trentaine d’entre eux sont assurés.

Les enfants s’entraînent aux dribbles au centre communautaire de Jamestown – © Raphaël Cann
Bénéficiaire de ce programme, Ipokou n’a pas eu à débourser les 2.000 cédis, soit plus de 300 euros, nécessaires pour étudier à l’University of Ghana. Après avoir passé plusieurs années sur les bancs en bois de la salle de classe, il gère désormais la bibliothèque de l’association. Une étagère où sont entassées des livres récupérés çà et là. « Je faisais du football, mais ça ne m’apportait rien en dehors. Ici, j’ai pu faire du basket et voire mes notes s’améliorer. » Désormais, il enseigne les mathématiques.
« C’est plus sympa de travailler ici », admettent les enfants, même s’ils n’ont que le sport à la bouche. L’État revendique un ratio de 30 élèves par professeur en 2017. Dans ce bidonville, ce chiffre grimpe à 50 par classe, laissant peu de place à un soutien personnalisé. Mais la situation du pays évolue, le budget de l’éducation a augmenté de 20% et s’élève désormais à 11 milliards de cédis, plus de 2 milliards d’euros. Kowla, comme beaucoup d’adolescents, peine à travailler chez lui, un vaste abri de tôle. « A la maison, je ne peux pas être tranquille. Les malades ou les vieux du quartier me demandent toujours d’aller faire des courses pour eux », explique-t-il dans un anglais approximatif.
« Les jeunes se méfient si c’est trop scolaire »
Une quinzaine d’adolescents s’installe dans la salle de classe. Certains sont là pour la première fois, d’autres sont des habitués. Tous ont répondu à l’invitation de l’association sans savoir le programme de la séance. Avant de leur parler des réseaux sociaux, Mohamed entame sa présentation par des jeux. Cet ancien basketteur tient à gagner leur confiance. « Les jeunes se méfient si c’est trop scolaire. »

Mohamed organise une séance sur les dangers des réseaux sociaux – © Raphaël Cann
Ils les interrogent sur leurs vies, puis oriente ses questions vers leurs utilisations de Facebook et d’Instagram. « Tu as plus de 400 d’amis ? Mais tu les connais tous ? », lance le trentenaire. Son ton est taquin, son rire facile. Après cette discussion informelle, il leur donne rendez-vous la semaine suivante. « Pendant ce temps, vous pouvez réfléchir à ce que vous publiez : qu’est-ce que vous regretterez dans dix ans ? »
« Je vais revenir ici plus souvent », annonce l’un des élèves à son oncle venu le chercher. Ce dernier le regarde d’un air satisfait. « A Jamestown, tout le monde devient pêcheur ou se lance dans la boxe, ajoute le quadragénaire. Cet endroit est bien. Au moins nos jeunes peuvent essayer de faire quelque chose de leur vie. »
Raphaël Cann
Photo de une : Un entraînement de l’association Dunk – © Raphaël Cann
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