A 31 ans, Viviana Epua Dansowaa s’est lancée dans la fabrication d’articles de voyage. Pochettes, masques, ceintures de bagages : un artisanat local 100% made in Ghana.
Précise et minutieuse, l’aiguille transperce le tissu pigmenté. Rose, vert, jaune, noir, cyan. Le fil, invisible, tisse des points, assemble les morceaux éparses d’étoffes aux couleurs chaudes. Une pochette prend forme. Les mains esquissent des gestes réguliers, comme une chorégraphie souvent répétée, raffinée par un artisanat séculier. Du matin au soir, Viviana Epua Dansowaa coud dans son salon. À ses côtés, deux étudiantes travaillent cet été pour financer leurs études. Ensemble, elles peuvent fabriquer une vingtaine de pochettes de passeports chaque jour.
Depuis un an, Viviana Epua Dansowaa a transformé sa maison d’Osu – un quartier de la classe moyenne d’Accra – en atelier de fabrication d’accessoires de voyage. Repose-cou, masques de sommeil, ceintures pour valises, portefeuilles et couvertures de passeports s’étalent sur la petite table du salon et fourmillent dans les valises ouvertes sur le carrelage. Sous le nom Liebe by Viviana, la trentenaire distribue ses produits fabriqués main avec du tissu made in Ghana sur des marchés couverts, une à deux fois par mois. Son commerce, encore informel, n’a pas de site internet. Mais l’artisane ghanéenne affiche ses produits sur Instagram, réseau sur lequel certains acheteurs la contactent.
Viviana Epua Dansowaa dans son salon où elle confectionne ses produits – © Mégane Arnaud
Un marché à saisir
Vendus entre 10 et 70 cédis (entre 1,5 et 11 euros), les articles de la trentenaire pétillante sont plus chers que les produits manufacturés en Chine. « Ce sont surtout des expatriés qui les achètent, car je n’ai pas encore de boutique, détaille-t-elle. Pour l’instant, les Ghanéens ne consomment pas ce genre d’objets. » L’entrepreneuse aux cheveux courts s’est spécialisée dans les articles de voyage puisque « personne n’en fabriquait au Ghana ». Jamais la jeune femme n’a envisagé de s’expatrier. « Je n’ai pas peur d’échouer, mais si cela devait se produire, je ne voudrais pas que ce soit ailleurs que chez moi. »
Sa petite entreprise ne dégage pas encore de bénéfices, mais les comptes s’équilibrent. Pour lancer son artisanat, la Ghanéenne a investi toutes ses économies, sans demander d’aide à sa famille ou aux banques. Aujourd’hui, Viviana Epua Dansowaa travaille toujours à côté pour subvenir à ses besoins, en tant que masseuse et coach sportive. « J’entraîne des enfants une fois par semaine, ça paye plutôt bien. Et pour obtenir de l’argent rapidement, je propose des packs de dix massages pour 200 cédis. »

Ces ceintures de bagages, fabriquées main, sont vendues 25 cédis (environ 4 euros) – © Mégane Arnaud
Retrouver des plaisirs oubliés
Dans une autre vie, la jeune femme pratiquait le sport de haut niveau. Athlète professionnelle jusqu’à l’âge de 25 ans, elle étudiait en parallèle le théâtre à l’université d’Accra. Mais il y a sept ans, une rupture des ligaments croisés a interrompu brutalement sa carrière sportive, et le théâtre ne l’intéressait plus. De nouveaux chemins s’ouvrent alors. La fille de Kumasi, élevée par sa grand-mère, renoue avec ses plaisirs d’enfance.
Depuis l’adolescence, elle s’amuse à confectionner des objets : elle découpe, coud, colle, monte, construit. « J’ai toujours été douée avec mes mains », confesse Viviana avec l’assurance de l’évidence. Tout a commencé pour satisfaire ses amis. « Quand j’étais invitée à un anniversaire, je n’avais pas besoin d’acheter de cadeau : je le fabriquais ! » Séduit, son entourage l’incite à commercialiser ses productions. Peu à peu, l’idée fait son chemin et la confiance grandit, jusqu’à donner vie à Liebe by Viviana, un nom en hommage à sa défunte meilleure amie allemande, rencontrée à l’université. « C’était la personne qui comptait le plus pour moi, après ma grand-mère. Elle croyait en moi et me donnait du courage. »
« Les femmes sont fortes et elles le prouvent »
Passionnée, Viviana Epua Dansowaa consacre toute son énergie à développer son artisanat. « Ma priorité numéro un, c’est mon entreprise. Le mari, les enfants, on verra plus tard, ou pas », lâche-t-elle un sourire en coin. La jeune businesswoman, aux gestes indolents et sereins, fait partie de cette nouvelle génération de Ghanéennes qui n’hésitent plus à entreprendre et rejettent le modèle traditionnel de la femme au foyer. Une façon de s’émanciper du système patriarcal encore patent. En 2013, 46% des entrepreneurs du pays étaient des femmes, selon l’indice Mastercard de l’entrepreneuriat féminin. Un record. « Les femmes sont fortes et elles le prouvent, s’exclame-t-elle. Cela donne de l’espoir et me rend heureuse. »
Épanouie et calme, la cheffe d’entreprise voit grand. Son rêve ? Que ses produits soient vendus dans le monde entier à de grandes compagnies aériennes. « Elles ne distribuent pour l’heure que des objets manufacturés et standardisés. Je veux apporter une touche d’originalité made in Ghana ! »
Mégane Arnaud et Thibault Franceschet
Photo de Une : Une étudiante employée par Viviana confectionne un porte-monnaie ©- Mégane Arnaud
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