Cash, paiement mobile, crédit : une application pour faire ses comptes

Au bord des routes ou dans les boutiques, les Ghanéens multiplient les formes d’échanges financiers. A l’incubateur Mest d’Accra, trois entrepreneurs ivoiriens veulent les convaincre de troquer leurs livres de compte pour une application.


Dans les commerces ghanéens, ce n’est souvent pas la peine de sortir sa carte de crédit pour régler. Les billets passent de main en main ou l’argent circule par paiement mobile : les opérateurs permettent de transférer des fonds entre particuliers en envoyant des SMS. Alors, pour les micro-entrepreneurs, omniprésents dans le pays, difficile de s’y retrouver au moment de faire ses comptes, d’autant plus quand les clients payent à crédit…

Au sein de l’incubateur Mest d’Accra, la capitale ghanéenne, trois entrepreneurs ivoiriens entendent remplacer une bonne fois pour toutes les livres de compte en papier. Penchés sur leurs ordinateurs dans une salle climatisée de cette vaste maison aux murs bleus, ils travaillent sur un projet financé à hauteur de 100.000 dollars, l’application Damansah Bookkepping.

« L’objectif, c’est de permettre aux petites et moyennes entreprises de gérer facilement leurs comptes et surtout connaître leur profit », explique Claver Nambegue Coulibaly, le dirigeant de l’entreprise. Ce jeune homme s’exprime calmement, des mots anglais ponctuant à son insu presque toutes ses phrases en français.

Une application fonctionnelle et colorée

Le bénéfice est la première chose qui apparaît lorsqu’on ouvre l’application. En dessous de ce bandeau bleu : les recettes et les dépenses. « Nous avons essayé de la rendre la plus colorée et explicite possible, ajoute-t-il. Des solutions existent dans le domaine, mais elles ne s’adressent qu’aux ‘tech savy’, ceux qui savent déjà manipuler l’outil informatique. » Il parle d’expérience. Sa mère, sa tante, sa grand-mère ont toutes un « petit business ».

La page d’accueil de l’application © Raphaël Cann

 

Mickael Prince Danho, le responsable produit, a éprouvé personnellement des difficultés à faire ses comptes. Durant ses études, un master en finance, il s’est lancé dans la revente de vêtements achetés au Nigéria. « On en arrivait à un stade où les sommes d’argent rentraient, mais impossible de savoir où elles partaient. A la fin, on se rendait compte que le profit était très minime », raconte cet Ivoirien en caressant sa barbe.

En souriant, il ajoute : « On vendait souvent des articles à crédit, mais à certains moments, on ne savait même plus qui pourchasser pour retrouver notre argent. Nous avions oublié de noter la somme ou le numéro du client. Et pourtant, j’étais étudiant en finance ! » Dans l’application, une fonctionnalité organise des rappels pour collecter les sommes dues.

Le boom du paiement mobile

Les deux entrepreneurs revendiquent 500 utilisateurs pour leur solution, lancée en « phase pilote » en novembre 2018. Ils en espèrent quatre fois plus à la fin de l’année. Le contexte les pousse à l’optimisme : le Ghana est le marché avec la plus forte croissance dans le secteur des paiements mobiles, jusqu’à représenter près de 156 milliards de cédis, soit 26 milliards d’euros de transactions en 2017 selon la Banque mondiale.

Claver Nambegue Coulibaly (à gauche) et Mickael Prince Danho (à droite). © Raphaël Cann

 

L’envolée de ce mode de paiement est poussée par la multiplication des téléphones dans les poches ghanéennes. En décembre dernier, 88% des habitants avaient souscrit à un abonnement téléphonique avec Internet. « Le smartphone c’est tout : c’est la vie, mais c’est aussi le business », résume Claver Nambegue Coulibaly. A l’avenir, les entrepreneurs ivoiriens de Damansah vont permettre aux utilisateurs de gérer leurs comptes de paiement mobile sur l’application.

C’est un moyen de lutter contre l’exclusion financière alors que 42% des Ghanéens n’ont pas accès à des services bancaires, notamment les populations pauvres et les habitants des zones rurales. Dans le même esprit, l’application propose des notions de marketing aux utilisateurs. « Nous voulons accompagner les entreprises dans chaque étape de leur parcours », explique ces  spécialistes de la finance. Leur ambition sur le long terme : se déployer dans toute l’Afrique de l’Ouest. En commençant par la Côte d’Ivoire.

Raphaël Cann

Photo de une : l’équipe de Damansah – © Damansah Inc.

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